Depuis jeudi dernier dans la nuit, les Congolais sont orphelins d’une sommité intellectuelle qui était également considérée comme l’un des dépositaires les plus objectifs de son histoire. Le Père Léon de Saint Moulin s’est, en effet, éteint au terme d’une longue maladie. Amoureux du Congo et étant au plus mal, ce serviteur de Dieu, qui a passé toute sa vie au Congo, a refusé d’être transféré en Europe pour des soins appropriés. Sentant certainement sa mort après plusieurs annonces du genre par le passé, au regard de son état de santé, il avait préféré rendre son âme à Dieu dans ce pays qu’il aura servi avec abnégation.
Sa disparition a ému aussi bien son église que le monde scientifique dans lequel il a évolué comme enseignant et producteur prolifique d’articles scientifiques et d’ouvrages dans des domaines les plus diversifiés. Depuis sa disparition, le Père Léon de Saint Moulin fait l’objet de reconnaissances unanimes sur l’apport dont il aura été pour la RDC et son peuple, particulièrement dans les milieux scientifiques et académiques. Au nombre de ces reconnaissances, celui des intellectuels catholiques qui lui ont rendu un vibrant hommage à travers leur Coordonnateur honoraire Maurice Mbayo Muhiya, également Président du Conseil Supérieur du Portefeuille de l’Etat.
« Lorsque vous prenez le cursus, il a passé toute sa vie dans ce pays, il a rendu d’énormes services et s’il a eu à créer des liens, il a créé davantage dans ce pays qu’ailleurs », reconnait Maurice Mbayo qui invite tous les siens, et les congolais en général à « se mettre à l’écoute de sa congrégation et de son diocèse pour que l’on réserve à ce père de l’église des obsèques dignes. »
En effet, pour Maurice Mbayo, l’illustre disparu est plus congolais que l’on ne le pense pour avoir fait de la RDC sa seconde patrie à laquelle il est resté attaché jusqu’à son dernier souffle. « Ce prêtre Jésuite fut un intellectuel très engagé qui aimait la commission des intellectuels catholiques », témoigne-t-il avant de poursuivre : « Invité ou pas, il se présentait et prenait part utile aux travaux et aux débats. Il fut un vrai connaisseur du Congo Kinshasa et un vrai Kinois ». Comme historien qui a pris à cœur son domaine de connaissance, il suffisait de lui dire de quel coin du Congo l’on était originaire et il vous racontait tout sur vos origines : « Licencié en philosophie, licencié en théologie et lorsqu’on devient Docteur en histoire, vous comprenez qu’il a cette facilité d’aller dans les moindres détails dans l’histoire de notre pays et l’histoire, il la connaissait. Que ce soit l’histoire géophysique comme l’histoire politique. Nous avons vu l’action qu’il a menée, notamment pour aider à l’organisation des différentes élections qui se sont déroulées dans notre pays. »
Attachement à la commission des intellectuels
Le coordonnateur honoraire de la commission des intellectuels catholiques garde des souvenirs interpellateurs de ce grand esprit que les intellectuels doivent immortaliser : « Son attachement à la commission des intellectuels catholiques nous l’avons senti lors du décès du père Mubengayi qui est l’un de nos premiers aumôniers. Il était très attristé par sa disparition et il était venu témoigner de la vivacité que manifestait le père Mubengayi par rapport à la commission des intellectuels catholiques. Le père aimait la commission des intellectuels qu’il a accompagnée à sa manière, à travers la messe dominicale de 11 heures à la paroisse St Joseph de Matonge. Tout le monde sait avec quelle manière il conduisait la chorale Quasi modo, avec quelle emphase et cela était une touche qui lui était très particulière parce que nous éprouvions du plaisir à le voir battre le rythme dans cette chorale. »
Maurice Mbayo reconnait, par ailleurs, à ce pasteur un homme simple, convivial, qui était attaché aux valeurs non seulement de son sacerdoce mais aussi des connaissances acquises parce que les travaux du père Léon de Saint Moulin comme ses cartographies sont des mines d’or.
Perpétuer son oeuvre
Il demande aussi aux intellectuels de relayer le Père de Saint Moulin dans la mesure du possible à travers les œuvres qu’il a initié dont le CEPAS qui est un grand centre d’édition qui a eu à éditer la revue Congo-Afrique (Ex. Zaire-Afrique) d’une manière régulière : « Je ne pense pas qu’il y ait deux revues dans ce pays qui aient connu une telle régularité. Le Père Léon de Saint Moulin s’occupait aussi du Service d’Education Spéciale où il essayait au niveau de l’archidiocèse de Kinshasa d’encadrer les jeunes désœuvrés. C’est une action que nous aimerions aussi que l’on perpétue en sa mémoire. Donc, nous intellectuels catholiques aimerions que les intellectuels l’honorent et la meilleure manière de l’honorer c’est de ne fut ce que de maintenir la qualité du service qui étaient rendus par ces institutions »
A la question de savoir si le Père Léon de Saint Moulin n’est pas parti avec une mémoire chargée de chagrin au vu de la responsabilité politique des intellectuels catholiques quant à la précarité du peuple congolais qu’il souhaitait voir épanoui de son vivant, Maurice Mbayo reconnaît que « le Père a joué sa part et l’a bien joué en rappelant dans ses prêches la responsabilité de chacun dans sa société comme chrétiens et intellectuels. Il a réveillé les consciences ». Et de poursuivre : « Il ne manquait pas d’interpeller les congolais. Peut-il partir avec un sentiment d’insatisfaction ? Je ne crois pas que ça soit ainsi. S’il lui était demandé de faire son propre bilan, je voudrais qu’il en soit fier. Il a écrit, il a sensibilisé jusqu’au dernier jour de sa vie. Que son âme repose en paix. Il a combattu le bon combat. A nous intellectuels de continuer à être interpellés ; nous devons rechercher les valeurs qui doivent nous permettre de résoudre, tant soit peu, les questions qui nous talonnent : la pauvreté exécrable, les mœurs critiquables. C’est du travail qui doit être fait, tant soit peu, et que tous nous sachions que ce n’est pas en un tour des mains que cela doit être fait, mais ceux qui ont la charge, la conscience de sensibiliser notamment à travers notre commission des intellectuels, sont appelés à s’y mettre. Nous n’allons pas nous fatiguer, à travers des thèmes à retenir lors de la semaine des intellectuels et autres ».
Aux congolais, le Coordonnateur honoraire des intellectuels catholiques dit « qu’ils doivent sérieusement regretter le décès du R.P Léon de Saint Moulin. Je vous ai dit qu’il est plus congolais que le congolais lui-même et alors, lorsqu’il est parti nous devons être interpellés pour essayer de voir dans quelle mesure être sur ses traces, par notre échelle de valeur, arriver quand même à résoudre nos problèmes. »
Le Révérend Père Léon de Saint Moulin de la compagnie de Jésus est décédé le jeudi 25 octobre dernier à l’âge de 87 ans à Kinshasa où il a passé tout son ministère et sa vie après son ordination le 06 Août 1964. Ilo est entré dans la compagnie des jésuites le 14 septembre 1950. D’origine belge, il est né le 17 décembre 1932 à Naast (Soignies).
Avec Jacques Kalokola